né en 1883, à Bécharré, au Liban, dans une très ancienne famille chrétienne; son grand-père maternel était prêtre du rite maronite. En 1894, il émigre avec sa mère à Boston; mais en 1897, il retourne, seul, au Liban, pour faire ses études à l'École de la Sagesse, à Beyrouth. En 1901, il visite la Grèce, l'Italie, l'Espagne puis s'installe à Paris pour étudier la peinture. C'est à cet époque qu'il écrit Les Esprits Rebelles, livre qui fût brûlé sur la place public de Beyrouth, par ordre des autorités turques, et qui fût condamné comme hérétique par l'évêque maronite.
En 1903, Gibran est rappelé en Amérique au chevet de sa mère mourante. Il reste à Boston , où il s'exerce principalement à la peinture. En 1908, il retourne à Paris, où il travaille à l'Académie Julien et à l'École des Beaux-Arts; il fréquente Rodin, Debussy, Maeterlink, Edmond Rostand, etc.
En 1910, il s'installe définitivement à New-York où il se consacre à la peinture et à la poésie. C'est dans cette vielle qu'il meurt en 1931. Son corps est ramené au Liban, où il repose désormais dans la crypte du Monastère de Mar Sarkis, à Bécharré. (texte de couverture, Le Prophète, 1956)
" Puis souffle en vain sur les cendre éteintes . ne perdez pas espoir et ne vous laissez pas aller au désespoir pour les chose du passé , car se lamenter sur l’irrémédiable est la pire des faiblesses humaines "
Khalil Gibran (1958) la voix de l’éternelle sagesse . Éditions Dangles, p.68.
(Deux extrait du recueil le Prophète)
Les enfants
Et une femme qui portait un enfant dans les bras dit:
Parlez-nous des Enfants.
Et il dit : Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l'appel de la Vie à elle-même,
Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu'ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées,
Car ils ont leurs propres pensées.
Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes,
Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter,
pas même dans vos rêves.
Vous pouvez vous efforcer d'être comme eux,
mais ne tentez pas de les faire comme vous.
Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s'attarde avec hier. Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés.
L'Archer voit le but sur le chemin de l'infini, et Il vous tend de Sa puissance
pour que Ses flèches puissent voler vite et loin.
Que votre tension par la main de l'Archer soit pour la joie;
Car de même qu'Il aime la flèche qui vole, Il aime l'arc qui est stable
De la joie et de la tristesse
Une femme dit alors:
Parle-nous de la Joie et de la Tristesse.
Il répondit:
Votre joie est votre tristesse sans masque.
Et le même puits d'où jaillit votre rire a
souvent été rempli de vos larmes.
Comment en serait-il autrement ?
Plus profonde est l'entaille découpée en vous
par votre tristesse, plus grande est la joie que
vous pouvez abriter.
La coupe qui contient votre vin n'est-elle pas celle
que le potier flambait dans son four ?
Le luth qui console votre esprit n'est-il pas du même
bois que celui creuse par les couteaux ?
Lorsque vous êtes joyeux, sondez votre coeur, et vous
découvrirez que ce qui vous donne de la joie n'est autre
que ce qui causait votre tristesse.
Lorsque vous êtes triste, examinez de nouveau votre coeur.
Vous verrez qu'en vérité vous pleurez sur ce qui fit vos
délices.
Certains parmi vous disent: "La joie est plus grande que
la tristesse", et d'autres disent: "Non, c'est la tristesse
qui est la plus grande."
Moi je vous dit qu'elles sont inséparables.
Elles viennent ensemble, et si l'une est assise avec vous,
a votre table, rappelez-vous que l'autre est endormie sur
votre lit.
En vérité, vous êtes suspendus, telle une balance, entre
votre tristesse et votre joie.
Il vous faut être vides pour rester immobiles et en
équilibre.
Lorsque le gardien du trésor vous soulève pour peser son
or et son argent dans les plateaux, votre joie et votre
tristesse s'élèvent ou retombent. "
Le temps
Et l'astronome dit, Maître, qu'en est-il du Temps ?
Et il répondit :
Vous voudriez mesurer le temps, qui est infini et incommensurable.
Vous voudriez ajuster votre conduite et même diriger la course de votre esprit en fonction des heures et des saisons.
Du temps vous voudriez faire un fleuve, sur la berge duquel vous seriez assis pour le regarder couler.
Pourtant, ce qui est éternel en vous connaît l'éternité de la vie,
Et il sait qu'hier n'est que le souvenir d'aujourd'hui et que demain est son rêve.
Et que ce qui en vous chante et s'émerveille réside encore au sein du premier instant qui dispersa les étoiles dans l'univers.
Qui parmi vous ne ressent point que son pouvoir d'aimer est sans limites ?
Et pourtant qui ne ressent pas cet amour même, bien que sans limites, concentré au centre de son être, et n'errant pas de pensée d'amour en pensée d'amour, ni de geste d'amour en geste d'amour ?
Le temps n'est-il pas comme l'amour, indivisible et sans repos ?
Mais si dans vos pensées vous devez mesurer le temps en saisons, que chaque saison encercle toutes les autres saisons.
Et qu'aujourd'hui étreigne le passé dans le souvenir, et le futur dans le désir
la Liberté
Et un orateur dit : " Parle-nous de la Liberté ".
Et il répondit :
" A la porte de la cité et au coin du feu dans vos foyers je vous ai vus vous prosterner et adorer votre propre liberté,
Comme des esclaves qui s'humilient devant un tyran et bien qu'il les terrassent le glorifient.
Dans le jardin du temple et dans l'ombre de la citadelle j'ai vu les plus libres d'entre vous porter leur liberté comme un boulet à traîner.
Et en moi mon coeur saigna ; car vous ne pourrez être libre que si le désir de quérir la liberté devient un harnais pour vous, et si vous cessez de parler de liberté comme d'un but à atteindre et d'une fin en soi.
Vous ne serez réellement libre tant que vos jours ne seront pas chargés de soucis et que l'indigence et la souffrance ne pèseront pas sur vos nuits,
Mais plutôt lorsque votre vie sera ceint de ces contraintes et dès lors au-dessus d'elles vous vous élèverez, nu et délié.
Et comment pourriez-vous vous élever au-dessus de vos jours et de vos nuits si vous ne brisiez pas les chaînes que vous avez vous-même, à l'aube de votre esprit, attachées autour de votre midi ?
En vérité ce que vous appelez liberté est la plus solide de ces chaînes, même si ses maillons qui brillent au soleil et éblouissent vos yeux.
Et qu'est-ce que la liberté sinon des fragments de vous-même que vous cherchez à écarter pour devenir libre ?
Si vous croyez que la clé de la liberté se trouve derrière une loi injuste qu'il suffit d'abolir, dites-vous que cette loi a été inscrite de votre propre main sur votre propre front.
Vous ne pouvez l'effacer en brûlant tous vos livres de lois, ni même en lavant les fronts de vos juges, dussiez-vous y déverser la mer entière.
Et si vous pensez qu'en détrônant un despote, vous retrouverez votre liberté, voyez d'abord si son trône érigé en vous-même est bel et bien détruit.
Car nul tyran ne pourra dominer des sujets libres et fiers, que s'il existe déjà une tyrannie dans leur liberté et une honte dans leur fierté.
Et si vous cherchez à chasser vos soucis ou à dissiper vos craintes pour libérer ainsi votre esprit, sachez que vous-même les avez choisis avant que vous ne les ayez subis.
Et que le siège de votre frayeur est dans votre coeur et non point dans la main de celui qui vous fait peur.
En vérité tout ce qui se meut en vous est dans une constante semi-étreinte : ce qui vous terrifie et ce qui vous réjouit, ce que vous chérissez et ce que vous haïssez, ce que vous désirez saisir et ce que vous cherchez à fuir.
Vos actes sont des jeux d'ombres et de lumières en couples enlacés.
Toute ombre se dégrade, se fond et se meurt à l'arrivée d'une lumière,
Et quand l'ombre s'évanouit et n'est plus, toute lumière qui s'attarde derrière ses lisières devient alors une ombre pour une autre lumière.
Et ainsi quand votre liberté se désenchaîne devient elle-même les chaînes d'une plus grande liberté. "
Wednesday, October 3, 2007
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